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IA générative et usages RH : une adoption modérée mais un potentiel fort

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Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier IA générative et RH : l’impulsion donnée par ChatGPT

Des études de marché démontrent que les responsables RH doivent s’approprier l’IA générative au nom des implications qui concernent le recrutement, la paie ou la formation. Le point avec 3 experts.

IA générative et fonction RH : usage modéré, potentiel fort (volet 1 du dossier spécial RH Matin) - © D.R.
IA générative et fonction RH : usage modéré, potentiel fort (volet 1 du dossier spécial RH Matin) - © D.R.

Entre enthousiasme, stupéfaction et craintes, l’IA générative prend progressivement ses marques avec la fonction RH. Mais les premiers pas sont timorés.

Plus globalement, il est difficile d’ignorer l’ampleur pris par l’intelligence artificielle dite générative marqué par le phénomène ChatGPT d’OpenAI. Un bond technologique qui intrigue à l’échelle mondiale au regard de sa diffusion dans des applications grand public et professionnelles.

Tous les secteurs d’activité et tous les métiers, toutes les fonctions (y compris les RH qui n’y échapperont pas) et les organisations à l’échelle mondiale, sont incités à réfléchir sur la manière d’appréhender, d’adopter et de maîtriser les nouveaux usages qui apparaissent avec cette lame de fond.

L’effervescence autour du potentiel IA a des implications en matière de régulation et qui alimentera moult réflexions (économiques, éthiques, sociales, environnementales…).

Indiscutablement, nous basculons vers une nouvelle ère technologique. L’imbrication des approches d’IA basées sur les grands modèles de langue (LLM, Large Language Model en anglais), de la puissance des infrastructures numériques et de l’exploitation massive des données, donne naissance à une vague de nouvelles couches et d’outils technologiques : par exemple le duo GPT - ChatGPT d’OpenAI soutenu par Microsoft, Bard de Google, Claude d’Anthropic, Grox par xAI (récemment lancé par Elon Musk, propriétaire de X/Twitter), Mistral AI en France…

Au-delà du cercle des GAFAM*, c’est l’écosystème global R&D de services innovants qui se mobilise pour exploiter le filon. Cette orientation stratégique concerne aussi les éditeurs de solutions RH. 

*GAFAM : acronyme correspondant au quintet des plus influents acteurs du numérique issus des États-Unis : Google-Apple-Facebook/Meta-Amazon-Microsoft

IA générative : l’appropriation modérée des outils par les DRH

L’essor des modèles génératifs d’intelligence artificielle (« GenAI » en raccourci en anglais) a permis l’émergence des modèles dits « conversationnels » capables de répondre à des requêtes formulées en langue naturelle.

Les premiers usages identifiés dans ce sens sont :

  • recherche d’information via un moteur,
  • création et analyse automatisées de texte (e-mail, rapport, synthèses…),
  • génération de documents comme un CV,
  • discussion avec des assistants virtuels de type chatbot,
  • assistance ou support de premier niveau. 

Benoît Serre, BCG - © D.R.
Benoît Serre, BCG - © D.R.

Diverses études démontrent l’intérêt de s’approprier ce type d’outils dans la fonction RH. En pratique, le chemin demeure encore long si l’on veut parler d’adoption d’usage de l’IA générative en masse.

Cette lenteur d’adoption apparaît dans une étude BCG avec un focus RH et publiée dans le courant de l’été 2023. Dans un rapport intitulé How Generative AI Will Transform HR, le cabinet conseil estime que « l’adoption des outils d’IA a mis du temps à prendre de l’ampleur dans le domaine des ressources humaines, mais les technologies GenAI, capables de créer du contenu à partir de sources disparates et de résumer rapidement plusieurs ensembles de données, offrent à la discipline RH plusieurs capacités puissantes et convaincantes ».

  • « Les DRH sont actuellement plus dans une phase de questionnement sur les apports réels de l’IA générative que d’action.
  • Il y a une certaine prudence à l’égard des “révolutions” technologiques. Il y a deux ans, tout le monde parlait du métavers et c’est déjà fini. Par ces apports, l’IA générative ne connaîtra toutefois pas le même sort », évoque Benoît Serre, Partner & Director HR People Strategy au BCG, et Vice-Président délégué de l’ANDRH.

Selon une autre étude de McKinsey intitulée The state of AI in 2023 : Generative AI’s breakout year  et publiée aussi en août 2023, la fonction RH arrive en 6e position… sur 8 en termes d’appropriation en entreprise. Loin derrière l’effort soutenu des départements marketing et commerciaux et des divisions de conception de produits et de services.

« Dans ce contexte de transformation, les ressources humaines joueront un rôle crucial. Elles devront créer des programmes de formation adaptés pour préparer les employés à intégrer les outils IA dans leur flux de travail », évoque de son côté le cabinet EY dans son enquête EY 2023 CEO Outlook Pulse.

Quelques cas d’usage éligibles dans les RH

Stéphane Roder, AI Builders - © D.R.
Stéphane Roder, AI Builders - © D.R.

L’IA générative répond à beaucoup de cas d’usage sur l’ensemble des processus RH.

  • « L’IA générative se prête bien à la fonction RH qui manipule beaucoup de données non structurées, notamment des documents textuels.
  • Elle offre un saut qualificatif par rapport aux premiers outils d’intelligence artificielle », observe Stéphane Roder, Président d’AI Builders, cabinet de conseil en stratégie data et IA.

L’administration du personnel et la paie 

Paul Courtaud, CEO et fondateur de Neobrain - © D.R.
Paul Courtaud, CEO et fondateur de Neobrain - © D.R.

L’IA générative peut automatiser un grand nombre de tâches répétitives dans les activités dites transactionnelles comme l’administration du personnel ou la gestion des contrats de travail.

Intégrée au moteur de paie, l’IA a vocation à servir de levier pour accélérer les contrôles de conformité et mettre en évidence d’éventuelles anomalies.

Dans le domaine dit « Compensation & benefits » (fonction en charge des rémunérations et des avantages sociaux en entreprise), « l’IA identifiera des écarts de salaires au sein de la même fonction », avance Paul Courtaud, CEO et fondateur de Neobrain.

Le recrutement

Côté entreprise, l’IA générative peut générer des contenus RH optimisés SEO pour rédiger des offres d’emploi et des fiches de postes ou appuyer une stratégie de marque employeur sous une forme de communicative plus qualitative. 

Elle pourra aussi :

  • aider le recruteur à préparer un entretien d’embauche en remontant les éléments clés du dossier de candidature et en analysant les tendances du marché pour un profil donné. 
  • faciliter la réalisation d’une synthèse des échanges entre le recruteur et le candidat.

Côté candidat, l’IA permettra de filtrer de manière plus pertinente les centaines d’offres d’emploi que proposent certains sites Internet institutionnels.

« À partir d’un CV téléversé d’un candidat, l’IA va effectuer un matching inversé en remontant les offres les plus pertinentes en fonction de son profil », indique Stéphane Roder. 

La gestion des compétences

L’IA générative a vocation à créer automatiquement des référentiels « en allant chercher toutes les compétences d’un collaborateur au-delà de la quinzaine de compétences qu’un responsable RH aurait pu remonter manuellement », avance Stéphane Roder.

« Dans une vision prospective, l’lA permettra d’anticiper les emplois appelés à évoluer en profondeur et de prévoir des actions de reconversion pour réaffecter les personnes concernées sur des tâches à plus forte valeur ajoutée », estime Benoît Serre.

La formation

L’IA générative pourrait concrétiser la promesse de l’adaptive learning, à savoir la personnalisation des parcours de formation en fonction du profil de l’apprenant.

« La formation étant souvent le parent pauvre de la DRH, cette individualisation permettrait d’optimiser au mieux des budgets contraints », soutient Paul Courtaud, CEO de Neobrain.

Il souligne que près d’un tiers des formations actuelles n’atteignent pas leur but.

« Les collaborateurs suivent une formation inférieure à leur niveau ou n’utilisent pas les connaissances nouvellement acquises dans leur travail », indique-t-il. 

L’expérience collaborateur

« Après l’expérience déceptive des premiers chatbots qui peinaient à renseigner les collaborateurs sur des requêtes simples comme le nombre de jours congés à prendre, les agents conversationnels nourris à l’IA générative peuvent engager un vrai dialogue en langage naturel », constate Stéphane Roder. 

De quoi optimiser l’expérience collaborateur, tout en déchargeant les assistants RH des demandes récurrentes facilement automatisables.

(dossier réalisé par Xavier Biseul et Philippe Guerrier)