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Santé reproductive et travail : Ninti perçoit « une prise de conscience progressive » des entreprises

Par Philippe Guerrier | Le | Bien-être au travail

La start-up française Ninti sensibilisent les entreprises qui veulent s’engager sur le thème de la santé reproductive. Diverses initiatives à travers la loi ou dans la sphère des entreprises privées sont recensées dans ce domaine. Le point avec la cofondatrice Fatoumata Ly.

Fatoumata Ly et Olga Kokshagina, cofondatrices de Ninti - © D.R.
Fatoumata Ly et Olga Kokshagina, cofondatrices de Ninti - © D.R.

Depuis sa création en juin 2021, la start-up Ninti, cofondée par Fatoumata Ly et Olga Kokshagina, a délivré une dizaine d’ateliers de sensibilisation en entreprise sur le thème de la santé reproductive (ménopause, cycles menstruels, fertilité…) et la santé mentale des femmes.

« On vient de nous commander 3 autres à destination de managers pour qu’ils disposent d’une meilleure appréhension sur ces sujets-là. Ils manquent de boîte à outils », évoque Fatoumata Ly. 

La cofondatrice de Ninti admet que les entreprises ont du mal à prendre position sur ces sujets qui touchent la vie privée des femmes et l’intimité des couples. La prestation d’accompagnement personnalisé des femmes est difficile à amorcer pour la start-up. En revanche, les campagnes de sensibilisation et le volet consulting semblent avoir davantage d’impact.

  • « Nous assistons à une certaine libération de la parole des femmes et nous sentons une certaine prise de conscience progressive avec des sujets comme :
    • la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, du nom d’une maladie gynécologique chronique de la femme en âge de procréer, initiée en février 2022 par Olivier Véran alors ministre de la Santé,
    • la levée de la carence sur les fausses couches annoncée par la Première ministre actuelle Elisabeth Borne et qui devrait être mis en vigueur d’ici le 1er janvier 2024,
    • les parcours de procréation médicalement assistée (PMA) de plus en plus présents », déclare Fatoumata Ly.

La santé des femmes comme vecteur d’égalité des chances

Ninti s’est fixée 3 objectifs :

  • continuer les efforts de sensibilisation,
  • poursuivre les efforts de clarté sur les enjeux de la santé reproductive des femmes en entreprise,
  • établir un premier véritable pilote avec une entreprise à fin 2023.

La start-up devrait enclencher une phase de financement d’amorçage à partir de la rentrée pour développer ses activités et publier un Livre Blanc sur les meilleures pratiques concernant la santé reproductive en lien avec le marché du travail en intégrant des témoignages de DRH.

Les meilleurs profils d’interlocuteurs pour avancer sur ces sujets couverts par Ninty seraient les mutuelles ou les groupes d’assurance.

  • « Nous avons des contacts avec un groupe d’assurance à propos d’un accompagnement en gynécologie pour les femmes d’expatriés
  • Nous devons consolider notre offre, notre partie conseil et monter des pilotes avec des entreprises sur nos sujets de prédilection », indique Fatoumata Ly.

Ninti rencontre aussi des soucis de remontées d’information de la part des DRH à cause d’un manque de culture de la donnée.

« Parfois, ils ont du mal à connaître le ratio femmes-hommes en cas d’arrêt maladie. Nous pourrions les aider à disposer de ces types d’information pour lancer des actions ultérieurement », évoque Fatoumata Ly.

« Notre fil rouge, c’est aussi la santé des femmes comme vecteur d’égalité des chances. Il est nécessaire de la prendre en compte dans le cadre du travail au nom des objectifs fixés en termes de parité. »

Santé des femmes au travail : un sujet qui monte

Diverses initiatives dans le domaine législatif ou de la sphère des entreprises privées sont recensées dans le domaine de la santé des femmes au travail.

Voici quelques exemples.

Secteur public

  • Le 27 juin 2023, un rapport du Sénat sur la santé des femmes au travail a été publié par la délégation aux droits des femmes. Un sujet encore largement méconnu voire ignoré par les pouvoirs publics comme par les employeurs, selon les 4 rapporteures : Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol. Elles soulignent que les répercussions du travail sur la santé des femmes (usure physique et psychique, troubles musculo-squelettiques, cancers, violences sexuelles et sexistes) « ne sont que trop rarement prises en compte dans la sphère professionnelle ».
  • Le 15 juin 2023, la proposition de loi n° 1386, émanant de députés écologistes et portant diverses mesures relatives à la reconnaissance de la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail, a été enregistrée à l’Assemblée nationale. Elle a été renvoyée à la commission des Affaires sociales. 2 autres propositions de loi, portées cette fois-ci par des députés et sénateurs socialistes, avaient déjà été déposées dans le courant du 1er semestre 2023.
  • Les lignes bougent à l’international. Ainsi, en février 2023, l’Espagne est devenue le premier pays européen à imposer les congés menstruels dans le Code du travail avec un congés de 5 jours par mois au maximum pour les femmes souffrant de règles très douloureuses et invalidantes.

Secteur privé

  • Le 19 avril 2023, le groupe de grande distribution Carrefour a annoncé une série de mesures pour la santé des femmes pour prendre en compte l’endométriose, les fausses couches et la PMA.
  • En novembre 2022, le groupe de produits de cosmétique L’Oréal a annoncé la mise en place d’un congé accordé aux femmes en cas de fausse couche en cas de fausse couche ou souffrant de maladie telle que l’endométriose, tout en restant rémunéré à 100 %.
  • Des PME prennent aussi ce sujet à bras le corps :
    • Braincube, entreprise spécialisée dans la transformation digitale de l’industrie, qui propose depuis avril 2023 la mise en place par l’entreprise du congé menstruel pour les femmes qui souffrent de règles douloureuses au travail. Les collaboratrices peuvent disposer d’un jour de congé par mois sans entraîner de perte de salaire ;
    • Goodays (ex-Critzr), spécialiste de solutions pour développer les interactions entre les clients et les enseignes, en proposant depuis le 1er mai 2022 un congé de 5 jours de repos pour ses salariées qui subissent une fausse couche.