Sirh

Droit social : les nouveautés

Le | Législation paie

Force est de constater que les professionnels RH ont fort à faire en cette année 2015. Entre la réforme de la formation professionnelle, la mise en place du compte pénibilité et de la BDES, sans oublier le passage anticipé à la Déclaration sociale nominative pour les grandes entreprises, d’importantes mesures sont déjà entrées ou entreront en vigueur dans les mois à venir. Quelles sont les mesures phare de l’année 2015 ? Quels sont les conseils en matière juridique ? Comment réussir son entrée dans la DSN ? Comment mettre en place avec succès l’entretien professionnel au sein de son entreprise ? Nos réponses dans ce dossier.

Droit social : les nouveautés - © D.R.
Droit social : les nouveautés - © D.R.

1 - Panorama des nouveautés sociales en 2015

Du compte personnel de formation à la mise en place d’un entretien professionnel, en passant par la généralisation de la complémentaire santé, l’année 2015 est l’année de tous les chantiers pour la fonction RH. Tour d’horizon des principales grandes mesures sociales qui entrent en application cette année…Entretien professionnel obligatoire

D’ici le 7 mars 2016, tout salarié devra avoir passé un entretien professionnel. Obligatoire tous les 2 ans, ce dernier a pour objectif de faire un bilan sur les compétences, la formation, et les perspectives d’évolution des collaborateurs. Il doit être également proposé à tout salarié qui reprend son activité suite à une période d’interruption, telle qu’un congé de maternité, congé parental, congé sabbatique, arrêt maladie de plus de 6 mois, mandat syndical, congé d’adoption, congé de soutien familial ou encore période de mobilité volontaire sécurisée. Enfin, tous les 6 ans, l’entreprise doit dresser un état des lieux du parcours professionnel du salarié.

Une complémentaire santé pour tous

D’ici le 1er janvier 2016, toutes les entreprises devront avoir souscrit à un contrat de complémentaire santé collectif. L’employeur ayant pour obligation de financer au moins 50 % de la cotisation totale, le restant étant à la charge du salarié.

Naissance du Compte personnel de formation

Depuis le 1er janvier 2015, les salariés acquièrent les heures de formation au titre du CPF. Ainsi, un salarié à temps complet acquiert 24 heures par année de travail jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis 12 heures par année de travail jusqu’à une limite de 150 heures.

Nouveau régime des garanties prévoyance

A compter du 1er juin 2015, le régime de portabilité de la prévoyance est généralisé et concerne désormais tous les salariés dont la rupture du contrat de travail ouvre droit au chômage. Ces derniers bénéficient automatiquement et gratuitement du maintien de leurs droits et doivent en être informés dans leur certificat de travail. 

La DSN entre en vigueur

Depuis le 1er avril 2015, la Déclaration sociale nominative est devenue obligatoire pour près de 13 000 grandes entreprises ayant dépassé un certain montant de contributions et cotisations sociales. Elle deviendra la modalité unique de collecte de données sociales des entreprises par les organismes et administrations au 1er janvier 2016.

Du changement pour les temps partiels

La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 avait instauré de nouvelles règles en matière de temps partiel, dont une durée minimale fixée à 24 heures par semaine ou à un équivalent mensuel de cette durée. L’ordonnance du 29 janvier 2015 est venue assouplir ce dispositif.

La BDES obligatoire

A compter du 14 juin 2015, la Base de données économique et sociales (BDES) devient obligatoire pour les entreprises de 50 à 300 salariés. Destinée aux représentants du personnel, elle doit rassembler les informations relatives aux grandes orientations économiques et sociales de l’entreprise. En cas d’absence ou de BDES incomplète, l’entreprise encourt 3 750 euros d’amende et 1 an d’emprisonnement pour délit d’entrave. 

Simplification du compte pénibilité

Jugé par beaucoup d’entreprises comme une usine à gaz, le compte pénibilité va connaître une simplification drastique de son application. Suite aux rapports remis par Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville, le premier ministre, Manuel Valls, a en effet annoncé le 26 mai dernier un report de 6 mois de la pleine application du compte pénibilité, ainsi que la suppression de la fiche individuelle obligatoire.

2 - 3 questions à Stéphanie Beaupère de Moras, avocate en droit social

Les professionnels RH ont fort à faire en matière de nouveautés sociales applicables en cette année 2015. Stéphanie Beaupère de Moras, avocate en droit social au sein du cabinet Brunswick Société d’Avocats, fait le point sur la question.

Quelles nouveautés en matière de droit social ont le plus d’impact sur les fonctions RH et les entreprises en 2015 ?

Il me semble que cinq grands chantiers en droit social méritent d’être soulignés. Premièrement, la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, obligatoire d’ici le 1er janvier 2016. Cette dernière est difficile à mettre en place et soulève beaucoup de questions pratiques au sein des entreprises, notamment dans les secteurs d’activités à forts taux de temps partiel ou de CDD. L’autre écueil réside dans la gestion des temps partiels dont le seuil minimal est désormais limité à 24 heures. Son application est difficile dans certains secteurs d’activités à fort recours au temps partiels et les négociations de branches pour définir les dérogations applicables ne sont pas encore achevées. Ensuite, la nouvelle convention d’assurance chômage et l’ensemble des projets de réformes pour limiter les dommages et intérêts des salariés dans le cadre des contentieux prud’homaux modifient également l’équilibre des négociations de départ des salariés. Enfin, la législation relative aux plans sociaux qui s’est fortement modifiée depuis 2013 est source d’incertitudes.

Quels conseils pouvez-vous donner à un service RH pour réussir la mise en place de ces nouvelles mesures au sein de son entreprise ?

Beaucoup de nouvelles réformes sont difficiles à mettre en œuvre d’un point de vue pratique, notamment pour les petites entreprises. Je leur conseille donc de se faire aider et conseiller juridiquement. Les employeurs ont, en effet, désormais une obligation très forte qui pèse sur leurs épaules en raison d’une législation extrêmement complexe. Cependant, avec un minimum de réflexions, de bons conseils et la mise en place de procédures simples, comme par exemple un règlement intérieur ou un document unique de prévention des risques, les sociétés peuvent limiter très fortement la plupart des risques et ainsi améliorer par la suite la gestion de leurs salariés. Enfin, dans le cadre d’un plan social, je préconise également l’instauration d’un dialogue constant et argumenté avec l’administration dès le début de la procédure. 

Quelles sont les erreurs à éviter ?

Plus que jamais le dialogue avec les salariés, les associations représentatives du personnel et l’administration est important. Les entreprises ne doivent pas hésiter à remettre en cause leurs gestions RH et sociales. Lorsqu’un service RH est face à un contentieux, il doit s’interroger sur les raisons qui ont emmené l’entreprise jusqu’à cette situation, et si celles-ci peuvent se reproduire afin d’en éliminer les causes.

3 - « Les entreprises doivent considérer la BDES comme une solution évolutive », Yann Guezennec, Altays

A compter du 14 juin 2015, l’ensemble des entreprises de plus de 50 salariés aura pour obligation de mettre en place une Base de données économiques et sociales (BDES). Alors que les entreprises de plus de 300 salariés appliquent cette mesure depuis bientôt un an, Yann Guezennec, fondateur d’Altays, l’éditeur de solutions RH leader en la matière, dresse un premier bilan.

Quel état des lieux pouvez-vous faire aujourd’hui de la mise en place de la BDES au sein des entreprises ?

Nous assistons à deux cas de figure différents selon la taille de l’entreprise. Il faut en effet distinguer les grands comptes des ETI et PME dans lesquelles les taux d’équipement sont assez différents. Les grandes entreprises sont aujourd’hui les mieux outillées et se dotent majoritairement de solutions en mode SaaS. Les ETI et les PME sont, quant à elles, en pleine phase d’équipement. Au mois de mai 2015, elles sont ainsi cinq fois plus nombreuses à s’équiper d’une BDES qu’au mois de mai de l’an dernier.

La BDES a-t-elle déjà permis de faire évoluer certaines pratiques au sein des entreprises ?

Dans un premier temps, la BDES a servi les pratiques existantes. Puis, petit à petit, nous avons observé des évolutions dans les usages. Ainsi, de plus en plus d’informations, qui étaient historiquement communiquées en format papier, sont aujourd’hui transmises en format numérique. Autre constat : les entreprises étendent  progressivement l’utilisation de la BDES à des sujets nouveaux. Par exemple, elles se servent de la BDES pour transmettre des informations nouvelles à leur(s) CE. Nous assistons donc à une adoption de ce dispositif qui aurait pu être initialement considéré comme une contrainte, mais qui est aujourd’hui véritablement apprécié comme un service.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises ?

Les entreprises qui, dans un premier temps, se limitent à mettre en place une BDES en adéquation avec leurs pratiques et leurs organisations ne rencontrent pas de difficulté. De façon générale, la BDES est un outil de dématérialisation qui simplifie la vie des entreprises, des directions et des IRP.Les difficultés peuvent apparaître pour les entreprises qui veulent aller trop vite trop loin, comme automatiser la génération d’indicateurs à partir d’autres SI dans des contextes qui ne s’y prêtent pas.

Quels conseils pouvez-vous leur apporter ?

Tout d’abord, dans le choix de la solution, ne pas considérer la BDES comme une simple base de données techniques, ni même une GED. Trop de sociétés partent sur des solutions mal adaptées, compliquées à maintenir et reviennent en arrière au bout de quelques mois.Dans la mise en œuvre de la solution, il faut toujours partir des pratiques existantes et prendre en compte la gouvernance. Ceci, en particulier, dans des contextes de groupes d’entreprises.Il est également important que les entreprises considèrent leur BDES comme une solution évolutive. La capacité d’adaptation du dispositif aux évolutions futures de l’entreprise est un point fondamental à considérer.

Quelles sont les solutions apportées par Altays dans le cadre de la mise en place de la BDES ?

Altays-BDES est une solution dédiée en mode SaaS, entièrement paramétrable en fonction des organisations des entreprises. Extrêmement simple d’utilisation, elle est aujourd’hui majoritairement retenue par les grands comptes, et de plus en plus par les ETI et les PME.Nous accompagnons nos clients dans l’organisation de leur BDES et leur livrons des dispositifs 100 % opérationnels. Nous pouvons ensuite également les guider dans les présentations de la solution auprès de leurs représentants du personnel.Nos clients bénéficient d’un support client ainsi que d’un club utilisateurs qui devient un formidable lieu d’échanges entre les DRH et Directions des Relations Sociales. Dernièrement, nous avons également publié un livre blanc intitulé « Comment réussir la mise en place de sa BDES et quels sont les écueils à éviter ? » pour aider les entreprises dans leurs projets.

Publi-reportage

4 - 5 informations à retenir sur la DSN

A compter du 1er janvier 2016, la Déclaration Sociale Nominative deviendra la procédure unique de collecte des données sociales des entreprises. 13 000 entreprises sont d’ores et déjà concernées par l’obligation intermédiaire de mai 2015. Le point avec Elisabeth Humbert-Bottin, directeur général du Groupement d’Intérêt Public - Modernisation des Déclarations Sociales.

1. Une mesure bien accueillie

« Aujourd’hui, nous couvrons en production 25 000 entreprises, soit environ 170 000 établissements et près de 5 millions de salariés », souligne Elisabeth Humbert-Bottin, directeur général du GIP-MDS. Le projet DSN semble donc bien accueilli par les professionnels puisque aujourd’hui 9 000 des très grandes entreprises soumises à une obligation ont démarré la DSN, soit plus des trois quarts des entreprises concernées, et que 16 000 autres entreprises non obligées sont déjà en production. « Ces bons résultats montrent que la DSN est vraiment perçue comme un projet de simplification et qu’il fonctionne bien puisque les entreprises ne rencontrent pas trop de difficultés pour y rentrer. »

2. Pas de droit à l’erreur

En matière de DSN, la rigueur est plus que jamais de mise. « En devenant un sous-produit de la paie, cette nouvelle procédure exige désormais une plus grande constance dans la gestion de la paie au quotidien et une réelle qualité des données dans les objectifs de déclaration dès la paie », explique Elisabeth Humbert-Bottin. Outre la simplification en matière de déclaration, la DSN apporte aux entreprises une meilleure sécurisation juridique et une plus grande traçabilité des informations qui donnent lieu à l’ouverture de droits.

3. Replacer les ressources humaines au centre de la fonction

« En permettant aux gestionnaires de paie de gagner du temps, la DSN offre la possibilité aux services RH de se consacrer pleinement à leur métier de ressources humaines en mettant de côté tout un tas de paperasseries administratives souvent chronophages », met en avant le directeur général du GIP-MDS. Et de conseiller : « Il faut donc s’interroger sur la bonne utilisation de ce temps désormais gagné, mais également en profiter pour mettre à plat le fonctionnement de nouvelles procédures beaucoup plus dématérialisées au sein même de l’entreprise. »

4. Faire preuve d’anticipation

Les services RH ont aujourd’hui tout intérêt à anticiper et ne surtout pas attendre janvier 2016 pour entrer dans la DSN. Pour garantir un virage réussi de la DSN, Elisabeth Humbert-Bottin préconise de respecter les 3 phases proposées :

  • Phase 1 : « Ouverte depuis avril 2013 et accessible jusqu’en août, cette première phase vise à faire comprendre aux gestionnaires de paie l’importance de la qualité des données au mois le mois. Elle permet d’entrer sereinement dans la procédure, puisqu’il n’y a pas de sanctions si la déclaration arrive avec un peu de retard. »
  • Phase 2 : « La seconde phase commence à introduire une notion de rythme avec la mise en place du recouvrement du régime général le 5 ou le 15 de chaque mois à 12 h au plus tard au risque de se voir appliquer des pénalités. »
  • Phase 3 : « L’ultime phase introduit, quant à elle, le recouvrement de tous les organismes complémentaires et autres organismes spéciaux qui vont rajouter de nouveaux éléments de contraintes sur les préparations à avoir en amont de la paie. »

5. Se rapprocher de son éditeur de paie

Ultime conseil et non des moindres : « Les entreprises doivent désormais s’inscrire à la DSN, contacter leur éditeur de paie afin de vérifier les modalités de démarrage et planifier la mise en place de la DSN, de préférence au plus tard en septembre 2015 », conclut Elisabeth Humbert-Bottin.

5 - Témoignage : « L’entretien professionnel est une opportunité pour chaque acteur de l’entreprise », Laurent Grosse, KONE

La réforme de la formation professionnelle promulguée en mars 2014 a instauré la mise en place tous les 2 ans d’un entretien professionnel légal. D’ici le 7 mars 2016, tout salarié devra s’être vu proposé cet entretien individuel dont l’objectif est d’échanger sur ses perspectives d’évolution professionnelle. Laurent Grosse, DRH du Groupe KONE qui propose cet entretien depuis 5 ans, a accepté de partager son expérience en la matière.

« Depuis 5 ans, nous proposons à chacun de nos salariés un entretien indépendant de l’entretien annuel qui a pour but de mettre en avant ses besoins de développement et de formation, ainsi que ses souhaits en termes de mobilité et d’évolution professionnelle », explique Laurent Grosse. Si la DRH en fixe les cadres et les objectifs, l’entretien professionnel chez KONE se déroule uniquement entre le responsable hiérarchique et son collaborateur. « Nous utilisons un support Web avec des cases prédéfinies permettant de formaliser les échanges qui ont lieu au cours de cet entretien », précise le DRH. Et d’ajouter : « Chaque manager discute avec son collaborateur de ses souhaits d’évolution professionnelle qui sont mis en perspective par rapport aux métiers et aux postes disponibles chez nous, de ses opportunités et de comment l’entreprise peut l’aider à préparer à cette évolution. » Cet entretien débouche ensuite, chaque année, sur un plan de développement individuel pour chacun des collaborateurs. 

Un entretien à mi-parcours

« L’entretien se déroule en milieu d’année afin de nous permettre derrière de bâtir un plan de formation, d’avoir le temps nécessaire de consolider ce qui a été exprimé et de faire les arbitrages des priorisations afin de pouvoir répondre à nos obligations d’information et de consultation des partenaires sociaux sur le plan de formation de l’année suivante », indique Laurent Grosse. Les souhaits d’évolution sont, quant à eux, analysés indépendamment à travers une autre séquence intitulée « Revue du personnel ». Cette dernière se déroule chaque année entre la direction des ressources humaines et l’ensemble des responsables hiérarchiques afin d’analyser les souhaits d’évolution et de mobilité de chacun des collaborateurs. Des données fort intéressantes qui pourront ensuite être exploitées pour préparer une partie de la mobilité interne de l’entreprise.

Un entretien gagnant-gagnant

Pour Laurent Grosse, l’entretien professionnel est un gage d’avancées pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise. « Le salarié apprécie de voir que l’entreprise est à l’écoute de ses souhaits d’évolution professionnelle ; le manager parvient à motiver son collaborateur en lui apportant les moyens dont il a besoin pour continuer à progresser ; quant à l’entreprise, elle peut ainsi gérer plus facilement ses besoins de ressources en termes de mobilité et de carrière », se réjouit le DRH. Seul bémol peut-être : le manque de marge de manœuvre définie par la loi laissée à l’entreprise et aux partenaires sociaux locaux dans la façon de le mettre en oeuvre. Et de conseiller pour conclure : « Il faut mettre en place, dès maintenant, au sein de nos services une réflexion afin que cette contrainte légale soit utilisée comme une véritable opportunité de nourrir les thématiques habituelles que nous avons à traiter au sein des RH. »