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Les start-up RH ont-elles les investisseurs à leur pied ?

Le | Gestion des talents

Klaxoon, Payfit et, très récemment, CornerJob… Les start-up RH ayant levé des fonds ne se comptent plus sur les doigts d’une main. Portées par un marché de l’emploi qui a besoin de se réinventer, elles parviennent de mieux en mieux à convaincre les investisseurs. Pourquoi les jeunes pousses de la French Tech épatent-t-elles autant les fonds d’investissements ? La France jouit-elle d’un statut particulier en matière d’investissement ? Eléments de réponses

Les start-up RH ont-elles les investisseurs à leur pied ? - © D.R.
Les start-up RH ont-elles les investisseurs à leur pied ? - © D.R.

La semaine dernière, JobTeaser, Talent.io et easyRECrue annonçaient simultanément avoir levé plusieurs millions d’euros. Cette semaine, c’est CornerJob qui officialise un tour de table de 19 millions de dollars. Autant d’actualités qui illustrent la frénésie actuelle d’investissements dans la sphère des ressources humaines. Ces cinq dernières années, le nombre d’opérations financières (levées de fonds, rachats…) autour de la HR Tech a augmenté de 175 %, selon Akoya Consulting. En 2016, pour la seconde année consécutive, les investissements dans l’innovation RH ont, quant à eux, atteint plus de 2 milliards de dollars à l’échelle mondiale, d’après une étude de CB Insights. Pour Philippe Deljurie, ancien co-fondateur de Meteojob, cet engouement pour les start-up RH est relativement récent. « Il y a cinq ans, lorsque je cherchais à lever des fonds pour Meteojob, personne ne voulait investir dans le recrutement. Depuis les rachats de Multiposting par SAP et de LinkedIn par Microsoft, le recrutement est devenu le domaine dans lequel il faut injecter de l’argent, sans doute par effet de mode », constate-t-il. Partant de ce principe, il suffirait que certaines sorties d’investissement se passent mal pour que le marché perdent peu à peu les faveurs des investisseurs.

La French Tech a ses héros

Pour autant, si le nombre de levées de fonds augmente, le montant du ticket moyen ne décolle pas, d’après une étude du cabinet Wyman. L’Hexagone ferait toutefois figure d’exception. « Il y a de plus en plus de capitaux disponibles en France car les fonds d’investissement lèvent eux-mêmes de plus en plus d’argent », confirme Jérémy Uzan, associé chez Alven Capital. « En France, les investisseurs semblent préférer mettre d’emblée un gros ticket, plutôt que plein de petits en plusieurs fois. C’est la raison pour laquelle Talent.io ou easyRECrue arrivent à lever 8 millions d’euros, une somme très importante étant donné leur stade de développement », décrypte Philippe Deljurie. Pour Vincent Barat, co-fondateur d’Akoya Consulting, qui organise l’événement Akoya Start You Up, une autre raison pourrait expliquer « l’exception française » : l’ISF. « Un dispositif qui stimule l’investissement, au regard des opportunités de déduction d’impôts qu’il offre. » Quoiqu’il en soit, l’Hexagone a son lot de belles histoires : PeopleDoc et son tour de table de 28 millions de  dollars en octobre 2015, Talentsoft et sa levée de fonds de 15 millions d’euros quelques jours après… Des réussites « qui illustrent la capacité des start-up de la French Tech à devenir des fleurons mondiaux, non des futures proies pour des sociétés étrangères », souligne-t-il.

L’intérim réserve des surprises

L’intérêt des fonds d’investissement pour les start-up RH n’en est qu’à ses débuts. « C’est le dernier secteur de l’entreprise à être impacté par la digitalisation, après le marketing et la finance, qui se sont déjà transformées », constate Vincent Barat. En cela, les opportunités pour les jeunes pousses et leurs futurs investisseurs sont immenses. « Les sujets autour de la qualité de vie au travail et de la mesure de la motivation font l’objet de nombreuses créations d’entreprises. Il est fort probable que les investisseurs s’y intéressent massivement », estime-t-il. Les start-up qui se positionneront sur l’intelligence artificielle, le machine learning et les chatbots devraient, elles aussi, faire entendre leur voix. Enfin, l’intérim n’a pas dit son dernier mot. « Le marché est énorme : il est estimé à 15 milliards d’euros en France. La collaboration entre CornerJob et Randstad illustre la volonté des grands acteurs de se rapprocher des petits afin, in fine, de les absorber », expliquait Philippe Deljurie, avant d’apprendre que Randstad Innovation Fund entrait effectivement au capital de CornerJob ! Avant de surenchérir, autre exemple à l’appui : « l’engouement des géants de l’intérim explique le montant extraordinaire de 11 millions d’euros que Qapa a réussi à réunir. Ses investisseurs espèrent certainement une sortie à la hauteur de leur mise », suppose-t-il.

Aurélie Tachot