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L’avis d’Hubert Landier, spécialiste en audit de la performance sociale

Le | Bien-être au travail

« Beaucoup de dirigeants se font de la réalité sociale de leur entreprise une représentation qui relève en partie de l’illusion » constate Hubert Landier.

 

Comment expliquez-vous la menace croissante des risques psycho-sociaux ?

Le risque social résulte en fait du cumul de ce que j’appelle les « irritants sociaux », ces multiples problèmes de la vie quotidienne des collaborateurs, laissés sans solutions. A l’occasion de centaines d’entretiens que nous avons réalisés avec les salariés, nous en avons identifié 32 qui expliquent 85 % des causes de dégradation du climat social :  il s’agit par exemple de l’absence de réponse aux questions posées, ou encore d’augmentations individuelles de salaires selon des critères manquant de transparence, ou de l’absence d’informations sur l’avenir de l’entreprise.

 

Vous évoquez souvent la solitude des salariés…

La pression croissante du travail au quotidien, compte tenu des 35 heures, et la crainte permanente de « ne plus y arriver », a cassé l’entraide au sein des équipes. Les gens ne se parlent plus et ne se connaissent plus. Dans cette situation de plus en plus dure à vivre pour lui, le salarié aujourd’hui se retrouve seul avec ses problèmes. Bien souvent, il ne peut compter ni sur les représentants du personnel ni sur l’attention de sa hiérarchie.

 

Direction, encadrement, syndicats…Ce sont eux les principaux responsables ?

Il y a aujourd’hui un vrai problème de confiance entre le management de l’entreprise d’une part, les salariés et leurs représentants d’autre part. Carence de l’encadrement d’un côté, non-représentativité des syndicats de l’autre : les premiers, submergés par leurs tâches, leurs objectifs opérationnels et toute la paperasse électronique, ont oublié la dimension humaine de leur responsabilité. Les seconds ont perdu beaucoup de leur légitimité et de leur pouvoir. Peu compétents aux yeux des DRH, et peu crédibles aux yeux du personnel - notamment des jeunes qui ne se reconnaissent pas dans leur comportement - ils ne représentent plus un recours comme par le passé.

 

La réforme de la représentativité syndicale va-t-elle y remédier ?

Les dispositions adoptées vont obliger les syndicats à faire leurs preuves devant les salariés. J’y vois une chance pour le syndicalisme. Pour les entreprises, c’est l’espoir d’avoir des interlocuteurs plus responsables, car ils devront rendre compte à leurs mandants de la façon dont ils négocient en leur nom. De ce point de vue, il s’agit véritablement d’un texte refondateur qui va obliger les syndicats à revenir vers les salariés et qui est  susceptible de modifier de fond en comble des pratiques sociales fondées jusqu’ici sur une culture de la méfiance et de la confrontation.

 

D’une manière générale, que peuvent faire les entreprises pour combattre efficacement les risques sociaux ? 

Elles peuvent d’abord procéder à un audit de climat social qui permettra de détecter, d’évaluer et de localiser les facteurs de performance sociale. L’expérience montre que beaucoup de dirigeants se font de la réalité sociale de leur entreprise une représentation qui relève en partie de l’illusion. Ensuite traiter les problèmes en sachant que la qualité  de la politique sociale et du management humain contribuera beaucoup à la « création de valeur ». C’est un investissement sur le « gagnant-gagnant ». Car des salariés qui travaillent à 80 % seulement de leur potentiel, cela représente par personne l’équivalent de 40 journées perdues dans l’année…                                          

 

Hubert Landier est expert en audit de performance sociale, en stratégies syndicales et en analyse des risques sociaux liés au management du changement. Il est directeur de la Lettre d’Hubert Landier et chroniqueur pour L’AEF. Il préside les sociétés de conseil MCS et SRM Consulting.