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Monkey Tie ou le pari (enfin) gagnant du matching affinitaire

Le | Gpec

Après de premières années difficiles, la startup perce sur le marché de la gestion des talents avec un positionnement original. Sa solution de mobilité interne valorise les compétences comportementales et la personnalité du collaborateur, au-delà du CV et du diplôme. Pour une startup, avoir raison trop tôt peut être fatal

Monkey Tie ou le pari (enfin) gagnant du matching affinitaire
Monkey Tie ou le pari (enfin) gagnant du matching affinitaire

Après avoir une longue traversée du désert, Monkey Tie estime, elle, s’en sortir renforcée. Spécialisée dans l’identification et la valorisation des compétences, la jeune pousse espère la même success story que BlaBlaCar qui, dans un autre domaine, avait connu des débuts difficiles.

« Quand nous nous sommes lancés, en 2013, le marché n’était pas mature, se rappelle Jeremy Lamri son dirigeant. Aujourd’hui, la gestion des talents est le plus gros défi qu’ont à relever les entreprises. Engagées dans la transformation numérique, elles doivent à la fois attirer les talents et faire rapidement évoluer les compétences de leurs collaborateurs ».

Capitalisant sur ses quatre ans d’expérience, Monkey Tie entend profiter de cette conjoncture favorable et accélérer significativement son développement. Objectif : dépasser les deux millions d’euros de chiffres d’affaires en 2018, soit le double de l’an dernier. La jeune pousse recrute pour cela une dizaine de personnes dans les fonctions commerciale et technique portant son effectif à 30 collaborateurs. Elle boucle, par ailleurs, une levée de fonds en attendant de mettre le cap sur l’international.

Un comptable peut-il devenir data scientist ?

Pour réussir son pari, Monkey Tie mise sur son produit phare, Career Profiler, dont elle tire 80 % des revenus ]. La plateforme entend « fluidifier » la mobilité interne en prenant en compte la personnalité et les leviers de motivation des collaborateurs. C’est à dire valoriser les compétences comportementales - les fameuses « soft skills » -, au-delà des compétences fonctionnelles formalisées dans un CV. Pour cela, Career Profiler fait appel à un questionnaire de personnalité et de motivation conçu par un laboratoire de l’université Paris Descartes. Pour affiner son modèle, Monkey Tie s’appuie aussi sur les 700 000 profils anonymes collectés à partir des tests gratuits proposés sur son site.

Pour donner du corps à un profil, Carrer Profiler va également chercher les aptitudes cachées ou dormantes auxquelles le collaborateur ne pense pas spontanément. « Dans 90 % des cas, le collaborateur sous-déclare ses compétences », constate Jeremy Lamri. La solution va donc de relier, à sa place, les compétences entre elles en procédant par association. Si je possède telle connaissance et telle autre, il est probable que je maîtrise également cette expertise. Cette suggestion est soumise au salarié qui la valide ou non.

A partir de ce profil « augmenté », l’employeur pourra proposer des évolutions de carrière inédites au-delà des filières toutes tracées. Pour Jeremy Lamri, il s’agit de jeter des passerelles entre les métiers qui disparaissent et ceux qui émergent en passant pour cela par des formations ou des expériences intermédiaires. « Il existe, beaucoup de similitudes entre le métier de comptable - en voie de raréfaction - et celui de data scientist », illustre-t-il.

Pour récupérer les données RH, Monkey Tie se connecte à un grand nombre de plateformes comme celles d’Oracle, de SAP ou de Talentsoft, soit au niveau de l’ATS (Applicant Tracking System) soit à partir de modules plus profonds comme celui dédié à la gestion de carrières.

L’Oréal, SNCF, Eiffage pour clients

En se positionnant sur le matching affinitaire, Monkey Tie s’oppose à la démarche prédictive qui consiste à prédire l’avenir à partir du passé en faisant appel à des modèles statistiques. « Nous, nous intéressons à l’avenir proche où des attentes sont connues. Si on reprend l’exemple du data scientist, le profil est bien identifié, son périmètre fonctionnel délimité. A partir de là, il s’agit d’associer à cette fonction les individus qui ont le potentiel pour l’occuper. » Pour le dirigeant, par ailleurs co-fondateur du Lab RH, un ligne fracture se dessine entre ces deux approches. « On va soit vers une fonction RH renforcée ou vers un RH appauvrie qui laisse la main à la machine. »

Carrer Profiler s’adresse aux entreprises de plus de 3 000 salariés confrontées à au moins l’un de ces trois enjeux : l’identification des compétences, l’anticipation de l’évolution des métiers et l’engagement des collaborateurs. Monkey Tie qui compte 1800 organisations clientes a notamment pour références L’Oréal, Eiffage et la SNCF. La startup est surtout derrière la plateforme web qui gère le Compte personnel d’activité (CPA) pour le ministère du Travail. Un marché gagné notamment face à Accenture. 

Xavier Biseul