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« L’intelligence artificielle est devenue un buzzword »

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Urbanisation des SIRH, enjeux du Big Data, usages de l’intelligence artificielle… David Bellaïche, président d’Althéa, décrypte les tendances majeures qui impactent la sphère du SIRH

« L’intelligence artificielle est devenue un buzzword » - © D.R.
« L’intelligence artificielle est devenue un buzzword » - © D.R.

Entretien. 

Comment le marché des éditeurs de SIRH évolue-t-il ?

Ces dernières années, le marché des SIRH a basculé d’un monde « best-of-breed » à celui des suites logicielles dédiées aux talents. Si elles couvrent près de 90 % des processus RH, elles sont néanmoins complexes à déployer, d’autant plus lorsqu’il faut harmoniser les processus à l’échelle internationale. Sur le segment des suites, cinq acteurs se partagent le marché : Workday, Oracle et SuccessFactors pour les grands groupes et Talentsoft et Cornerstone pour les entreprises du mid-market. À côté d’eux, subsistent quelques éditeurs spécialisés : les ERP de paie comme SAP, Cegedim, HR Access… ainsi que les experts de la gestion des temps et des activités, de la planification, de la gestion de la rémunération… Les éditeurs de suites logicielles ne souhaitent pas adresser ces sujets très réglementés. Nous n’avons d’ailleurs vu aucune acquisition en ce sens ces dernières années, preuve que certains processus RH restent l’apanage des éditeurs « best-of-breed ».

Les SIRH sont-ils de plus en plus ouverts ?

Oui, c’est une tendance de fond. La stratégie des éditeurs est d’ouvrir leurs SIRH aux solutions tierces du marché, par le biais d’API. Le maître en la matière, c’est Salesforce, qui a créé un environnement dédié aux éditeurs souhaitant développer leurs outils sur sa plateforme. Le SIRH de Crosstalent repose, par exemple, sur Salesforce. Cette ouverture amène une limite : la gestion des données au sein d’un seul endroit. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des entreprises jongler avec cinq ou six outils RH différents en interne, donc d’avoir des données un peu partout. Environ un tiers des entreprises du SBF 250 se sont dotées d’un Core RH, en partie pour répondre à cet enjeu de consolidation des données. Dans les suites logicielles, c’est désormais le Core RH qui alimente la paie. C’est un choix d’urbanisation très impactant : certains grands comptes ont perdu 50 % de productivité dans la gestion de leur paie simplement en éloignant leurs données de leur logiciel de paie. C’est la raison pour laquelle je crois plutôt à un Core RH flexible : qui soit maître pour les petites filiales et esclave pour les grandes.

Ce problème de consolidation des données freine-t-il les initiatives des entreprises en matière de Big Data ?

Oui, dans la mesure où elles ne parviennent pas à avoir des données fraîches et justes. Le Big Data est pourtant une source d’optimisation et de performance pour les professionnels RH. Rendre une masse de données intelligible peut leur permettre de faire des analyses prédictives, par exemple en comparant des informations géographiques et socio-professionnelles pour comprendre certains départs et ainsi mettre en place les stratégies les plus adaptées pour fidéliser ses collaborateurs. Grâce au Big Data, les entreprises peuvent également proposer des rémunérations plus justes, en recoupant leurs grilles salariales avec celles des autres. Il convient au préalable d’identifier les problématiques RH sur lesquelles le Big Data peut avoir une vraie valeur ajoutée.

Voyez-vous déjà des cas d’usages RH en matière d’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle est devenue un « buzzword ». La capacité d’un code à apprendre, c’est-à-dire le deep learning, est bien plus intéressante. Sur ce sujet, les éditeurs de SIRH ne sont pas très avancés. Aujourd’hui, dans la sphère RH, on voit quelques usages se développer avec Clustree et AssessFirst par exemple, pour faciliter la recherche de CV. L’intelligence artificielle ne s’est pas encore attaquée à la paie : lorsqu’elle sera en mesure d’apprendre de ses erreurs, elle pourra effectuer un travail efficace de vérification du calcul de paie. Des chatbots - souvent basiques - font également leur apparition en entreprise. Pour qu’ils deviennent vraiment intelligents, il faut toutefois les alimenter avec des milliers d’informations, comme le fait Amazon avec son bot Alexa. Ce qui coûte cher dans un chatbot, ce n’est pas son développement, c’est son apprentissage. En matière de Robotic Process Automation (RPA), les usages dans la sphère RH ne sont pas non plus très développés. Là aussi, l’automatisation devrait maximiser le contrôle de paie.

Aurélie Tachot